Années 1860, Londres. Le peintre anglais Dante Gabriel Rossetti, le pinceau à la main, fignole l’un de ses tableaux. Son épouse Elizabeth Siddal en est le modèle. Sauf que… la jeune femme est décédée peu avant.
S’agit-il d’un dernier hommage à sa chère et tendre ? C’est un peu plus compliqué que cela !
Le sujet du tableau est on ne peut plus romantique : il s’agit de Béatrice, le grand amour d'un autre Dante, le poète italien de la fin du Moyen Âge. Morte prématurément, Béatrice laisse le poète italien dans un profond chagrin… Un sujet avec lequel Rossetti se sent peut-être en phase ?
Il se pourrait cependant que les motifs derrière ce tableau soient un peu moins nobles. En fait, l’idée et les premières ébauches datent d’avant la mort de Siddal. Et lorsque Rossetti évoque le tableau dans ses lettres, l’intérêt qu’il lui porte est surtout… financier !
Il ne travaille dessus que lorsqu’il est sûr d’avoir un acheteur, et en produit plusieurs répliques à bon prix.
Et puis, dans d’autres tableaux, muses et amantes diverses prêtent aussi bien qu'Elizabeth Siddal leurs traits à Béatrice.
Mais un peintre qui rend un vibrant hommage à sa défunte femme, c’est tout de même un peu plus vendeur. Le frère de Rossetti, un influent critique, préfère de loin cette interprétation.
Elle a l’avantage de redorer l’image de l’artiste, qui n’a pas toujours eu une attitude exemplaire envers sa femme.
Rossetti peut sans doute dire merci à son frère : ce dernier, par ses écrits, assure l’aura romantique du tableau. Encore aujourd’hui, il arrache quelques larmes aux plus sentimentaux des spectateurs…
Source: Artips, photo: Dante Gabriel Rossetti, Beata Beatrix, entre 1864 et 1870, huile sur toile, 86 x 66 cm, Tate Britain, Londres.